2009-10-29

La culture par Nicolas Appert...

... ou un consommé d'actu-culture-mouette à déguster sur un coin de table.

En top du mois et avec en fond le décor somptueux du théâtre de Paris, rue Blanche, une pièce de grande qualité : Douze hommes en colère.


Il s'agit de l'adaptation d'un film de Sidney Lumet (1957), qui avait reçu à l'époque un Ours d'Or à Berlin. Le script : douze jurés en huis-clos sur scène, avec pour seule échappatoire la porte des toilettes (sic), qui délibèrent du sort d'un jeune parricide.
Vu comme ça, ça n'a pas l'air folichon flonflon-à-la-française, mais tout l'intérêt réside justement dans cet agglomérat : douze acteurs, ça vous remplit une scène. Petit-à-petit de cette masse indistincte se dégagent douze caractères, douze profils sociologiques et autant de raisons de presser, ou pas, le bouton de la chaise électrique. Partant de l'évidence de la culpabilité de l'accusé, le doute se propage de proche en proche, instillé par le juré n°8 - Michel Leeb dans un rôle sérieux, ah ah - et aiguise une tension entretenue du début à la fin.
Une succession d'échanges irrités, agressifs, colériques, ennuyés ou impassibles, et une interrogation en pointillés sur la justice et la vérité, forcément humaines.
Avertissement cependant : allergiques au public caviar dans la poche gauche et/ou vieux beau VIP flanqué de sa poule liftée, s'abstenir. Mais moi je vous assure qu'il y a du bon dans les quelques minutes d'attente dans un hall sur fond de tapis rouge et de contrebassiste en couvre-chef.

Mais bon, pas de jaloux. Pour ces frileux là, j'ai aussi la perle. Moins cossu, plus popu, un film : Mascarades.




Ce film est passé totalement inaperçu (en tout cas pour moi) lors de sa sortie en salles fin 2008, mais il a déjà empoché pas mal de prix. Et ça risque de continuer, puisqu'il représentera l'Algérie pour les Oscars 2009, catégorie meilleur film étranger.
Mascarades, c'est 1h32 de franche mais tendre rigolade sur un petit village d'Algérie, au travers duquel transparaissent tous les travers d'une société ballottée entre individualisme et pression du groupe. J'y ai retrouvé avec bonheur l'esprit un peu farce, loufoque et brouillon de culture locale qu'affectionne Kusturica.
L'idée : Mounir (Lyes Salem - un rien Borat avec cette moustache triomphale), un type bien mais à la fierté fanfaronne, ne supporte plus les moqueries des voisins au sujet de sa sœur narcoleptique. Un soir, complètement saoul, il hurle dans le village aux fenêtres fermées mais attentives, qu'il a trouvé pour sa sœur le plus riche et le plus renommé des maris, un homme d'affaires. Le bruit court, la rumeur s'amplifie, bientôt on ne parle plus que de ça - tout le monde connaît quelqu'un qui connaît l'homme et chacun apporte moult détails croustillants - et on sacre Mounir roi du pétrole. Sa fierté flattée, il mute en imbécile heureux à la virilité complètement niaise, et se laisse courtiser par un village prêt à tout pour récupérer un peu de cette aura factice, même à se faire rouler dans la farine.
Ce sont les femmes qui intriguent pour démêler finalement l'écheveau et arriver à leurs fins. Les femmes, justement : leur rôle, pourtant limité à la sphère privée, est crucial. En public, elles doivent sauver l'honneur et les meubles, alors en privé, elles se rattrapent.
On rit du burlesque et on en oublie presque la gravité du sujet, la critique sociale qu'il sous-tend, le progressisme, le message féministe sous-jacent. Un peu à la manière d'une comédie de Molière.
Le casting est algérien, le budget français (Canal). Lyes Salem, qui a réalisé le film, espère dans une interview que le succès de son film amènera l'Algérie à ouvrir les yeux (et la bourse) sur les talents qui l'habitent - et moi aussi.
Un film à regarder un dimanche soir, qui s'ouvre comme une boîte de concentré d'énergie pour la semaine. Pop.

Douze hommes en colère, jusqu'au 7 novembre au théâtre de Paris
Mascarades, film français sorti en décembre 2008, réalisé par Lyes Salem

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